Earthscraper : Redéfinir la ville avec le Gratte Terre
Dans un monde en constante urbanisation, l’espace disponible se réduit à vue d’œil, mais une alternative audacieuse émerge pour repenser l’utilisation de l’espace urbain : l’Earthscraper, ou « gratte-terre, » révolutionne l’architecture à Mexico en privilégiant la construction souterraine par rapport au skyscraper, ou « gratte-ciel ».
Les villes, qu’elles soient déjà saturées comme New York ou en pleine croissance chaotique comme certaines villes d’Inde et d’Asie de l’Est, se heurtent à des limites physiques. La construction en hauteur, longtemps privilégiée, atteint ses limites, et de plus en plus de villes résistent à l’idée de gratte-ciels gigantesques. Cette lutte pour l’espace devient une réalité pressante dans des villes telles que New York, où chaque mètre carré compte.
Les immeubles atteignent des hauteurs vertigineuses pour maximiser l’espace aérien, mais cette approche a ses limites. Les permis de construire pour de nouveaux gratte-ciels sont de plus en plus difficiles à obtenir, et les régulations urbaines limitent la hauteur des bâtiments.
Earthscraper : L'appel des profondeurs
L'alternative souterraine
Le besoin d’explorer les profondeurs de la terre devient une réponse à cette crise de l’espace urbain. Plutôt que de construire vers le ciel, l’idée est de s’étendre horizontalement et de repousser les frontières du sous-sol. Cette approche offre une solution innovante pour résoudre le manque d’espace tout en préservant la nature environnante.
La construction souterraine permet d’utiliser l’espace de manière efficace, car elle n’est pas limitée par les contraintes de hauteur imposées par les gratte-ciels. De plus, elle offre la possibilité de créer des environnements uniques et diversifiés en fonction des besoins, qu’il s’agisse de logements, de commerces ou d’infrastructures publiques.
L'environnement inhospitalier
Les zones géographiques inhospitalières ont également incité à explorer les espaces souterrains. Les régions où les hivers sont impitoyablement froids, comme le Canada, les États du Nord des États-Unis, la Scandinavie, ou les zones proches de l’Équateur souffrant d’une humidité excessive, trouvent dans les espaces souterrains un refuge idéal. De plus, dans des villes industrialisées aux problèmes de qualité de l’air tels que Mexico, Delhi et Shanghai, les espaces souterrains garantissent un environnement à l’air sain.
Le sous-sol offre une stabilité thermique, avec une température qui reste constante à environ 13 °C à partir d’une profondeur d’environ cinq mètres. Cette caractéristique en fait un endroit idéal pour vivre dans des climats extrêmes, qu’ils soient très froids ou très chauds. De plus, l’isolation naturelle du sol permet de réduire la dépendance aux systèmes de chauffage et de climatisation, ce qui se traduit par des économies d’énergie substantielles.
La protection des trésors
Les musées et les galeries d’art bénéficient également des espaces souterrains. Les architectes et les ingénieurs dépensent d’énormes ressources pour concevoir des bâtiments magnifiques, mais la protection des œuvres d’art contre les éléments reste un défi majeur. Les espaces souterrains offrent un environnement stable pour préserver ces trésors artistiques.
Les musées, en particulier, peuvent tirer parti de la stabilité environnementale offerte par le sous-sol pour protéger les œuvres d’art des rayons du soleil et des variations de température. Cette approche permet de réduire la dégradation des œuvres précieuses et de garantir leur préservation à long terme.
Earthscraper : L'architecture du futur
Le projet Earthscraper à Mexico
L’Earthscraper, également connu sous le nom de « gratte-terre, » est un projet révolutionnaire conçu par le cabinet d’architecture BNKR Arquitectura. Initialement créé pour un concours d’architecture, il a depuis captivé la ville de Mexico. Le site choisi pour ce projet audacieux est la Place de la Constitution, ou Zocalo, l’une des plus vastes places du monde.
L’Earthscraper, c’est l’équivalent d’un gratte-ciel, mais inversé, plongeant profondément sous la surface de la Terre. Cette structure audacieuse adopte la forme d’une pyramide inversée avec pas moins de 65 étages s’enfonçant à plus de 300 mètres sous le sol. Au cœur de cette œuvre architecturale, un puits de lumière spacieux s’ouvre pour permettre aux occupants de l’Earthscraper de bénéficier de la lumière naturelle du soleil et d’une ventilation naturelle. À l’intérieur de ce complexe souterrain, des passerelles s’étendent vers le centre pour offrir des perspectives fascinantes sur les profondeurs.
À la base de l’Earthscraper, qui repose sur la place de la ville, un vaste plancher en verre transparent conserve l’espace pour les événements culturels de la ville tout en offrant une vue en plongée sur la structure. Cette conception ingénieuse intègre également l’histoire du Mexique, avec les dix premiers étages dédiés à un centre culturel et à un musée axé sur la civilisation aztèque. Les niveaux suivants accueilleraient des commerces, des appartements et, enfin, des bureaux d’affaires au niveau le plus profond.
Cependant, cette idée innovante ne vient pas sans son lot de défis potentiels. La création d’un espace souterrain d’une telle envergure pourrait poser des questions de stabilité du sous-sol de la ville. De plus, des préoccupations demeurent concernant la réponse aux catastrophes naturelles telles que les tremblements de terre ou les incendies qui pourraient survenir dans cet environnement sous-terrain. Des études de faisabilité approfondies seraient donc nécessaires pour concrétiser ce projet visionnaire.
Earthscraper : Défis techniques, économiques et psychologiques d'une ville sous terre
Coûts élevés
La construction souterraine est généralement plus coûteuse que la construction en surface en raison des défis techniques et de la nécessité de renforcer les structures pour résister à la pression du sol. Les investissements financiers importants nécessaires pour créer des infrastructures souterraines peuvent être un obstacle majeur à la réalisation de ces projets ambitieux.
Monique Labbé, architecte et présidente du Comité espace souterrain de l'Aftes.
La construction souterraine nécessite des investissements considérables en termes d’ingénierie, de matériaux spéciaux et de technologies de pointe. De plus, la gestion des contraintes géologiques imprévisibles, telles que la composition du sol et la présence de nappes phréatiques, peut entraîner des dépassements de budget importants.
Convaincre les investisseurs et les autorités locales de financer ces projets ambitieux représente donc un défi économique majeur. Cependant, certains architectes et urbanistes soutiennent que les avantages à long terme, tels que la maximisation de l’espace urbain et l’efficacité énergétique, pourraient compenser ces coûts initiaux élevés, ouvrant ainsi la voie à une utilisation plus répandue de l’espace souterrain dans le futur.
Le défi de l'eau
L'un des défis majeurs de la construction souterraine réside dans la gestion de l'eau. Les niveaux de la nappe phréatique varient considérablement selon la région, ce qui peut compliquer la construction souterraine. Des solutions sophistiquées doivent être développées pour empêcher l'infiltration d'eau et gérer les inondations potentielles.
Monique Labbé, architecte et présidente du Comité espace souterrain de l'Aftes.
La profondeur extrême du projet Earthscraper constitue l’un de ses principaux défis techniques. À une profondeur de 165 mètres en dessous du niveau hydrostatique de Mexico, ce projet requiert des investissements considérables pour garantir la stabilité de la structure, augmentant ainsi le coût total du projet à environ 800 millions de dollars, soit environ 30% de plus qu’un gratte-ciel conventionnel.
Le principal défi est lié à la gestion de l’eau. Les 165 mètres inférieurs de la fosse se trouvent sous le niveau de la nappe phréatique de Mexico, ce qui signifie que la structure devrait flotter dans la boue. Cette situation requiert des investissements massifs pour garantir la stabilité de la construction et éviter tout affaissement.
Le défi de la perception
Convaincre les gens de vivre ou de travailler sous terre peut s'avérer être un défi en soi. De nombreux préjugés subsistent concernant la vie sous terre, avec des associations négatives liées à l'obscurité, à l'enfermement et à l'insécurité. Les promoteurs de projets doivent donc démontrer les avantages tangibles de cette approche pour gagner l'acceptation sociale.
Monique Labbé, architecte et présidente du Comité espace souterrain de l'Aftes.
Malgré les avantages évidents d’une ville sous terre, il subsiste des préjugés profondément enracinés concernant le sous-sol en tant que lieu de vie. Pour de nombreuses personnes, les espaces souterrains évoquent des environnements sombres, humides et claustrophobes. Surmonter ces perceptions négatives est essentiel pour favoriser l’adoption généralisée de la vie souterraine.
Cela nécessite d’intégrer des éléments de conception qui transforment radicalement l’expérience des espaces souterrains. L’une de ces transformations consiste à apporter la lumière naturelle dans les environnements souterrains grâce à des techniques innovantes, comme celles utilisées dans le projet LowLine de New York.
Projets en cours : L'avenir souterrain
Le LowLine à New York
Le LowLine, un projet en cours de développement à New York, envisage de créer le premier parc souterrain au monde. Utilisant un système novateur de transmission de la lumière naturelle via des câbles de fibres optiques, il permettrait de végétaliser une ancienne station souterraine de trolleybus, offrant un nouvel espace urbain unique.
Le Gratte Terre d'Arizona
Un projet en Arizona vise à combler une mine de cuivre abandonnée en utilisant des techniques de ventilation naturelle et d’énergie solaire pour créer un environnement habitable sous terre.
L'Earthscraper
L’exploration des espaces souterrains offre une réponse novatrice aux défis posés par la croissance urbaine, le manque d’espace et les problèmes environnementaux. Des projets audacieux tels que l’Earthscraper, le LowLine et le gratte-terre d’Arizona montrent le potentiel de cette approche.
Cependant, pour que la vie souterraine devienne une réalité généralisée, il faudra surmonter les obstacles techniques et économiques tout en changeant les perceptions culturelles sur ce mode de vie. L’avenir de la construction souterraine dépendra de la capacité à innover et à convaincre le public que vivre sous terre peut être une solution viable et attrayante.
En fin de compte, les profondeurs de la terre pourraient offrir un avenir prometteur pour l’humanité, où l’espace est optimisé, les ressources sont préservées et la qualité de vie est améliorée. Reste à voir si ces projets audacieux deviendront la norme dans les villes du futur.
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