Le BIM, considéré comme l’une des révolutions numériques dans la construction, s’immerge lentement mais sûrement en France. Les méthodes collaboratives de travail, conduites par l’emploie de cet outil, transforment l’acte de construire. Si cet outil révolutionnaire apporte plusieurs avantages, notamment en matière d’économie d’énergie, de temps, d’hommes et d’ergonomie, il reste encore du chemin pour le généraliser à l’échelle nationale.
Qu’est-ce que le BIM ?
Building Information Modeling (Modélisation des données du bâtiment) est l’ensemble des méthodes de travail et des processus collaboratifs qui permettent de développer des maquettes numériques, et ce, tout au long du cycle de vie des ouvrages.
Cet outil offre, à la fois, une meilleure collaboration entre tous les métiers du BTP et apporte notamment une baisse des coûts de construction et d’exploitation.
Grâce à la maquette numérique, les informations sont partagées et diffusées en temps réel à tous les intervenants, et ce, tout au long de la conception et de la construction d’un bâtiment.
La maquette numérique représente donc une base de données technique, standardisée et partagée qui regroupe les objets composant le bâtiment, leurs caractéristiques physiques, techniques et fonctionnelles et les relations entre ces objets.
Somme toute, le BIM peut, en temps réel, identifier qui fait quoi, comment et à quel moment.
Ses origines
On doit l’apparition et la création du BIM à Charles M. Eastman, professeur au Collège d’Architecture et d’informatique de l’institut Georgia Tech, aux États-Unis.
Celui-ci a travaillé sur le BIM entre fin 1970 et début 1980. Il figure parmi les initiateurs du développement de logiciels de modélisation 3D paramétrique pour l’Architecture et l’ingénierie de la construction.
Le concept du BIM s’est notamment développé avec le lancement des logiciels de conception et/ou fabrication assistée par ordinateur CAO/CFAO 3D.
Ses objectifs
L’adoption du BIM dans le domaine de la construction provoque un changement des habitudes et des processus liés à la productivité et apporte des réponses concrètes à la qualité de l’ouvrage. Le BIM permet surtout :
- Une meilleure collaboration entre les différents intervenants
- Un gain de temps non-négligeable via une connaissance technique fine des informations de l’ouvrage
- Une optimisation de la qualité de la construction
- Une réduction de la sinistralité
- Une parfaite conception avec une anticipation et une diminution des erreurs
- Des gains de productivité liés à l’exploitation de la base de données associée
- Une gestion améliorée des ouvrages dans l’ensemble de leur cycle de vie
Ses niveaux
Le BIM existe sous 4 niveaux de maturité qui caractérisent chacun une étape vers le BIM collaboratif.
Au Royaume-Uni, on a constaté que le processus de transformation de la construction vers un mode de travail collaboratif « complet » ne pourrait se réaliser que graduellement.
Ces niveaux ont été ainsi instaurés pour situer le niveau d’intégration constaté ou demandé dans un projet grâce à des maquettes numériques BIM.
- BIM Niveau 0 : on ne peut pas parler de maquette numérique ni de collaboration dans ce niveau. La CAO 2D est exploitée pour la production de l’information. L’impression et le partage sont élaborés sur format papier ou électroniques imprimés.
- BIM Niveau 1 : le BIM isolé. Chaque intervenant utilise une maquette spécifique à ses besoins sans partage d’information. Néanmoins, les données sont ordonnées, structurées et conformes à une norme qui régit entre autre la numérotation des plans, la géolocalisation, la présentation, etc.
- BIM Niveau 2 : ce qu’on appelle le BIM fédéré, avec une maquette numérique collaborative, où chaque intervenant ait accès à une « copie » de la maquette. L’échange de données se fait via un format de fichier natif, permettant ainsi à toute organisation de pouvoir combiner ces données avec leurs propres données pour générer un modèle BIM fédéré et central.
- BIM Niveau 3 : Le BIM intégré ou l’iBIM est présenté comme le véritable BIM. Toute le monde collabore en même temps sur une maquette unique, qui est accessible durant toute la durée de vie d’un ouvrage.
L’impact de la maquette numérique sur le BTP
L’adoption du BIM dans le secteur
Si le BIM connaît une démocratisation importante à l’échelle internationale, son adoption en France suscite encore beaucoup d’incertitudes et de réticences, même si cela commence à se généraliser et à faire sensibiliser les divers acteurs du secteur.
D’après des chiffres publiés par le Plan de transition numérique dans le bâtiment(PTNB) en mars 2018, on constate que vers fin 2017, 35% des 1360 professionnels interrogés déclaraient avoir une connaissance suffisante du BIM, soit 15% de plus qu’un an plus tôt, et 53% estiment avoir besoin de se former rapidement.
La profession se met ainsi au BIM. Un guide de recommandations aux maîtres d’ouvrages a été d’ailleurs publié par la mission interministérielle, et ce, dans un contexte où le plan 2D l’emporte encore sur la vision 3D.
Il est vrai que les attentes sont très fortes, dans la mesure où le BIM sert à réconcilier à terme des pratiques très hétérogènes dans un secteur très fragmenté, l’adoption du BIM se révèle par une évolution de passage des marchés à laquelle les entreprises devront s’adapter.
Les freins à la généralisation du BIM
Le recours au BIM par les entreprises de construction, engageant différents intervenants sur la même maquette numérique, suscite toutefois plusieurs problématiques juridiques.
En effet, avec le principe de la collaboration instauré par le BIM, il fallait définir les responsabilités respectives des acteurs du projet, la propriété de la maquette numérique et des informations qu’elle contient mais également les conséquences en matière d’assurance.
Si le client peut réutiliser une maquette numérique pour d’autres projets, le concepteur de la maquette, de son côté, est ainsi contraint de protéger ses droits et d’être alors payé à chaque utilisation de la maquette.
Pour remédier à ces problèmes, la définition de la propriété et de l’utilisation de la maquette numérique dans le contrat s’avère obligatoire avec, en complément, le rôle et le régime de responsabilité des divers intervenants.
Ceci permettra de mieux tirer profit des capacités de traçabilité du BIM.
Le maniement du BIM présente également des blocages d’ordre technique, au niveau des matériels informatiques et du logiciel d’exportation en format « IFC », standard ouvert du BIM.
Ces équipements coûtent très chers, particulièrement pour les TPE/PME, et requièrent du personnel bien formé.
Il faut savoir aussi que l’utilisation du BIM, qui implique un changement de logiciels, de pratiques et de processus de travail, cause des pertes de rentabilité.
Le problème capital qui se pose est dans l’interopérabilité. En effet, il existe de nombreux problèmes d’échange d’informations et de reconnaissance des fichiers IFC.
D’une part, une augmentation du délai de conception à cause de la ressaisie des données, pouvant aller jusqu’à un blocage plus ou moins temporaire des échanges. D’autre part, une grande vigilance vis-à-vis du format IFC en favorisant le format natif qui oblige à collaborer avec des professionnels équipés par le même logiciel.
Par surcroît, les bibliothèques d’objets BIM, qui permettent de recenser les produits intégrés dans la maquette numérique, ne peuvent pas référencer l’intégralité de l’offre existante. Plusieurs produits non référencés seront donc exclus des chantiers BIM.
Les leviers de développement
Il est vrai qu’aujourd’hui un nombre restreint d’entreprises du BTP est dans la capacité de recourir au BIM. Néanmoins, la prescription du BIM pour la construction des ouvrages se lance petit à petit.
Malgré la non-imposition du BIM par la réglementation française, de plus en plus de chantiers 100% BIM font surface.
À chaque étape d’avancement d’un projet, le BIM permet d’élaborer et de valider les choix, grâce notamment à ses différents niveaux de développement, qui ont été adoptés à l’international.
Il est évident que la mise en pratique des outils et processus BIM est au démarrage et que les technologies vont sans aucun doute se développer et s’optimiser, dont celles de la scannérisation et de la vectorisation des ouvrages.
Les formats d’échanges s’optimisent. Les applications sont de plus en plus certifiées IFC. Dans cette optique, des initiatives gouvernementales opèrent pour développer des formats d’échange neutres et des pratiques dites OpenBIM.
D’autre part, les éditeurs de logiciels sont dans un processus d’optimisation de leur offre en matière de programmes spécifiques à certaines disciplines. Les différents pays francophones vont se doter de standards BIM normalisés.
Le besoin en conception BIM voit le jour, notamment pour les bâtiments plus écologiques.
La maquette numérique 3D est en marche vers l’optimisation de la collaboration entre les maîtres d’ouvrage, les concepteurs, les entrepreneurs et leurs sous-traitants.
Une nouvelle offre de formation
La formation au BIM est une priorité absolue pour le Plan Transition Numérique dans le Bâtiment (PTNB). On recense deux types de formations : initiale et continue.
Au niveau local, le PTNB et le Programme d’action pour la qualité de la construction et la transition énergétique (PACTE) se sont engagés à encourager des initiatives d’acteurs régionaux par le biais de projets.
Ces derniers ont pour objectif d’accompagner les formateurs et les enseignants tout en leur fournissant des supports pédagogiques adaptés au développement d’une offre de formation des acteurs.
La démocratisation du BIM en France est en marche. Beaucoup d’acteurs se sont déjà engagés dans une démarche BIM. D’autres peinent encore à s’en approprier.
Pour autant, le BIM se présente comme une étape incontournable de la transformation numérique de la construction, en fournissant des données fiables et de qualité, partagées, et à la clef une première réduction des coûts de la construction.
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